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Comme tout le monde

fille qu’elle a mise au monde toute cette avalanche d’espoirs vagues que le mariage n’a pas réalisés. « Avoir beaucoup d’enfants », c’était une de ses idées de jeune fille. Elles pensent cela comme les petites filles : « Avoir beaucoup de poupées. »

Cependant, la maternité, maintenant qu’elle est devenue un fait, se présente aux yeux d’Isabelle comme un dédommagement, presque comme une consolation. Pourtant, elle aime bien son mari. Mais « aimer bien » n’est pas aimer ; et, sans l’amour, la vie, pour une femme, sera toujours médiocre. On peut très bien être heureuse et ne pas avoir le bonheur.

À cette époque, elle quitte sa mère et son pays pour aller vivre à Nancy. Les parents de Léon ont trouvé pour leur fils un poste de premier clerc, plus avantageux que l’autre, et qui leur permettra d’avoir ce fils près d’eux. Léon est joyeux, Isabelle triste.

Leurs sentiments cachés sont en désaccord, parce que leurs passés sont dissemblables. Il faudrait, pour qu’ils se comprissent, que leurs racines se rencontrassent dans le même sol. La différence de leurs enfances les sépare profondément.

C’est à Nancy, exilée chez ses beaux-parents, qu’Isabelle commence à soupçonner que sa fille non plus ne sera pas pareille à elle. Elle avait pensé