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Comme tout le monde

— Oh ! Léon, que tu m’énerves, mon pauvre petit ! Je t’ai déjà défendu de renifler comme ça !… Tiens ! Sors d’ici ! Va lire ailleurs !…

Bien, maman… disait le garçon de son ton indifférent.

Et, sans se presser, sans regarder sa mère, il sortait de la chambre.

Mais le lendemain, immanquablement, il revenait s’asseoir à deux pas d’Isabelle ; d’ailleurs il lui tournait le dos, ne lui parlait pas. Il lisait. Ses vacances se passaient ainsi.

En petite femme honnête, soucieuse de justice, elle avait essayé plusieurs fois de le faire causer, de s’intéresser à lui. Mais elle n’avait obtenu de ce bon collégien, dont les notes étaient excellentes et le travail régulier, autre chose que le mot oui ou le mot non, ou encore les quatre mots je ne sais pas.

« À quoi peut-il penser ? » se disait-elle. Et ce fils était pour elle une énigme sans charme.

À la dérobée, elle le regardait, tout en cousant. Elle ne se disait pas que cet être enroué, déjà velu, c’était un adolescent, et que l’adolescence des mâles est peut-être plus pathétique que celle des femmes. Quel drame, ce simple drame physiologique ! Quel chavirement profond en ce garçonnet qui devient homme, qui, chaque jour, à chaque heure, s’éloigne un peu plus de son enfance, perd son visage lisse