Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/223

Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
Comme tout le monde

instant ce visage trop pareil à l’autre visage. Elle attend une parole, un regard. Mais le garçon se tait, immobile. Alors, comme si elle se désintéressait soudain, elle pirouette sur ses talons dans un geste de jeune fille.

— Je monte !… s’écrie-t-elle. Modeste peut porter la valise dans la chambre à coucher !

Au haut de l’escalier, la voici, rapide et précautionneuse, qui pénètre à pas de loup dans la chambre des garçons. Parmi le demi-jour tremblant de la veilleuse, le petit Louis dort, ses jolis cils ombrant le haut de ses joues, sa bouche de bébé grande ouverte.

Isabelle s’est penchée. Son écharpe, son chapeau, ses cheveux, tout cela touche doucement le front du petit dormeur, comme une aile. Il a fait un mouvement sous le baiser, il a froncé les sourcils, s’est frotté le nez d’un revers de main, mais ne s’est pas réveillé. Debout à côté du petit lit de fer, retenant sa respiration, Isabelle reste un long moment à contempler le beau gamin, si bien enfoncé dans le sommeil. Elle ne pense à rien. Elle est soulevée en silence par l’exaltation maternelle, aussi grande que celle de l’amour, jamais apaisée.

Les pas de son mari dans l’escalier l’arrachent à son extase, « Il faut aller se coucher… À demain, petit Louis… »