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Comme tout le monde

— Adieu !… Je pars !… Et jamais je ne te reverrai !…


Dans le train qui la ramenait, frémissante encore, vers son foyer, vers son mari, vers ses enfants, elle pensait avec une joie presque sauvage à son petit Louis.

« Oui, c’est lui seul que je dois aimer ! Tout m’a manqué : mon amour, mon passé, ce que j’aimais, ce qui m’était sacré. Je n’ai plus de mère, je n’ai plus d’ami, plus d’enfance, plus de jeunesse ; je n’ai plus rien ! Je n’ai que lui, mon fils, mon seul fils, et c’est mieux ainsi. Je l’aimerai plus encore. Je lui donnerai ce qui me reste d’existence à vivre. Je ne penserai plus qu’à lui, je n’espérerai plus qu’en lui. Il est mon passé, mon présent, mon avenir. Ce n’est pas possible qu’un tel amour ne soit pas un jour récompensé !… Ah ! mon fils, quel homme il sera ! Quel ami parfait, lui que j’ai nourri de mon lait, à qui j’ai donné pour âme tout mon rêve, toute mon ambition et toute ma tendresse ! »

Tournée vers la vitre du wagon derrière laquelle les paysages se précipitent, elle se sentait soulevée par une sorte de colère qui ressemblait à du courage. Et, comme elle était seule dans son compar-