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Comme tout le monde

temps quittés ! Fut-ce par expérience de la désillusion ? Isabelle, dès son arrivée chez sa mère, comprit que la demeure de son enfance n’était qu’une vieille maison insignifiante, que son jardin de gamine n’était qu’un bête de petit jardin beaucoup moins joli que celui qu’elle possédait à présent, que sa ville était plus ratatinée, plus mesquine encore que la morne sous-préfecture, que sa mère n’était qu’une vieille dame impérative et désobligeante.

Elle essaie de retrouver, à travers les chambres, à travers les rues, le charme du passé qui lui échappe, ce charme qui vivait en sa pensée et non dans les choses elles-mêmes. Elle se précipite vers des visages qui demeurent, témoins âgés de son enfance et de son adolescence. Les gens ne la reconnaissent pas. Quand elle se nomme, on lui dit :

— C’est vous la petite Isabelle ?… Comme on change !

Les bonnes femmes qui furent autrefois des jeunes servantes hochent la tête :

— Vous avez bien haussé ! Pis bien vieilli !

Linda, Linda sa compagne des chemins creux, celle qui tressait avec elle des couronnes de fleurs dans les prés, celle qui ne concevait pas une jonquille ou bien une digitale sans une toute petite fée