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Comme tout le monde

Ainsi la destinée lui avait envoyé cette fille, afin que l’unique beau souvenir de sa vie fût si brutalement profané !

Les larmes ne venaient point. Isabelle, depuis des heures, était comme une hypnotisée. Léon lui-même, en arrivant du chemin de fer, s’était aperçu de son regard.

— Tu as bien sommeil, avait-il dit ; allons vite nous coucher !

… Le jour naissant envahissait doucement le monde. Des coqs chantèrent au loin. Des bruits naquirent dans la ville. Ce fut le matin.

Le réveil en nickel sonna bruyamment sur la cheminée. Léon se réveilla, sauta du lit. Isabelle, les yeux grands ouverts, n’avait pas quitté sa pose cadavérique.

— Bonjour… dit mollement Léon.

Son baiser matinal effleura les cheveux d’Isabelle. Il s’habillait. Il sortit.

Soudain, une petite voix à la porte :

— On peut entrer, maman ?…

Et, comme tous les matins, le petit Louis, penché sur l’oreiller, vient gentiment embrasser sa mère, avant de se mettre au travail.

Alors Isabelle, galvanisée, bondit dans le lit. Elle a saisi par les épaules l’enfant étonné, le regarde dans le blanc des yeux.