Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
Comme tout le monde

tuée à servir les « nobles », — au sortir du château de Taranne elle avait été placée chez un baron du chef-lieu, — on eût dit qu’elle mettait de la condescendance à rester parmi des petites gens. Importante et dominatrice, elle remplissait la cuisine de sa large personne blonde et rose. Le port de sa tête était magnifique. La fine race paysanne de Normandie lui conférait une sorte d’aristocratie naturelle ; et rien n’était plus hautain que son regard lorsqu’elle disait, se souvenant de son passage chez les grands :

— J’ai la recette de cette sauce écrite de la main même du chef !

Nonobstant cette hauteur, elle rougissait jusqu’aux cheveux au moindre prétexte, et ses joues faisaient paraître plus blanc encore son cou gras, couleur de lait, qui sortait si majestueusement d’un corsage noir sans col.

Le petit Louis et mademoiselle Zozo l’apprivoisèrent d’abord en la taquinant. Ils la mirent plusieurs fois en colère. On l’entendait crier dans sa cuisine :

— J’tuerais ça comme rien !… J’suis dépassée d’furie !…

Isabelle accourait pour la calmer ; et c’est ainsi qu’elle commença de causer avec elle.

Or, dès les premières paroles, Isabelle est au


11.