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Comme tout le monde

Une payse ! Le cœur d’Isabelle a tout de suite palpité. N’est-ce pas un peu de son enfance qui vient à elle, sous les espèces de cette cuisinière ? Mais le hasard a mieux fait les choses encore. L’imposante Modeste Morin non seulement est Normande, mais encore elle a servi jadis comme fille de cuisine au château de Taranne.

Vite, Isabelle l’engage. Et, dès le lendemain matin, Modeste Morin commence son service chez madame Léon Chardier-avoué.


Pendant les quinze premiers jours, Isabelle retint l’élan qui la poussait vers la grosse Modeste, élan fait de sympathie émue pour sa compatriote et d’avide curiosité pour celle qui, chez le marquis, avait si longtemps servi. Et Modeste ne savait pas qu’elle représentait, pour sa nouvelle patronne, tous les souvenirs, souvenirs d’enfance et souvenirs d’amour ; mais elle était spirituelle et cancanière comme bien des Normandes, avec tous les potins de la région sur le bout de la langue ; et quand, le soir, l’heure venait de l’appeler pour régler les comptes de la journée, Isabelle sentait gros de bavardages le silence respectueux de sa cuisinière.