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Comme tout le monde

jusqu’à présent, absorbée par ses enfants et les soins de sa maison, elle n’a pu se permettre le coûteux voyage qui la conduirait vers ses chers souvenirs.

Cette envie qu’elle a de retourner chez elle est, avec son espoir en son second fils, la seule chose qui reste vivace dans son cœur fatigué d’ennui.

Cependant un petit événement ménager va, ces jours-ci, se produire dans son existence. Les affaires de Léon étant devenues, depuis quelque temps, presque brillantes, Isabelle va prendre une cuisinière à demeure.

Elle aura donc désormais deux servantes : cette cuisinière et la petite bonne Julia, devenue grande personne et femme de chambre présentable. Isabelle est heureuse de ce changement. Elle a, tout à coup, une sensation de richesse. Il lui semble que le fait d’avoir deux bonnes lui donne plus d’importance dans la vie.

Or, parmi les filles qui viennent, depuis huit jours, se présenter, apparaît, un matin, une corpulente et fraîche personne, jeune encore, belle comme un Rubens et fière comme une reine, portant en casque une coiffure de beaux cheveux châtains et dorés. Son nez est fin, ses yeux bleus se moquent du monde, ses dents sont gâtées, son accent chante : c’est une Normande.