Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
Comme tout le monde

« Bel oiseau de passage, qui donc vous avait blessé à l’aile pour que vous ayez si tôt interrompu votre vol ? Nous, la volaille, nous ne mourons pas comme cela. Nous retournons chaque soir, docilement, au perchoir, pour en redescendre chaque matin ; car les ailes que nous avons ne savent pas voler… »

Tout à coup, la voix de Zozo monta d’en bas, autoritaire et fraîche, tout de suite coupée par celle de Léon. Une dispute encore…

Isabelle les écouta. Elle se sentait sans nerfs, sans ardeur, sans courage. Elle eut l’impression que bientôt, elle plierait devant sa fille, parce que sa fille criait fort. Cette demoiselle de dix-sept ans, elle, était née avec des reins d’acier. Elle n’avait pas connu les rêveries des enfants amoureux des fées. Elle avait tout de suite respiré l’atmosphère contemporaine, peu propice aux chimères, pleine d’un merveilleux tangible, scientifique, mécanique, cette atmosphère qui fait des garçons débrouillards et des filles pratiques.

Isabelle soupira. Et, comme elle descendait l’escalier, courant, une fois de plus, séparer les querelleurs, notre petite Chardier de trente-huit ans, avec un sourire triste, se catalogua d’avance parmi les vieilles mamans timides et démodées, celles qu’on aime bien mais qu’on méprise un peu.