Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
Comme tout le monde

fanait. Oui, cette Zozo semblait pomper la jeunesse de sa mère. Mais, par un des miracles de l’amour maternel, Isabelle n’en souffrait pas. Et, quand on faisait des compliments sur l’intelligence de mademoiselle Chardier, sur sa grâce, sur son joli petit talent de pianiste, sur son adresse de brodeuse, Isabelle se sentait plus heureuse que si toutes ces douceurs lui eussent été personnellement adressées. Elle était la première admiratrice de sa fille. Du reste, elle en avait un peu peur.

Mais son penchant, sa faiblesse, c’était toujours le petit Louis, ce gamin qui physiquement lui ressemblait tant et dont elle continuait à attendre tout le merveilleux que la vie, jusque-là, lui avait refusé.

Cependant, derrière les beaux yeux roux du petit Louis, vivait et se développait une âme quelconque ; et même il apparaissait déjà clairement que ce petit devait, plus tard, avoir tout le caractère de son père, cet avoué sans couleur. Mais Isabelle ne voyait pas cela. La force de son illusion la maintenait, depuis tant d’années, attentive et têtue, guettant, chez son fils préféré, l’éclosion de « l’âme-sœur ».

Avec toute la mauvaise foi de la tendresse, elle interprétait chaque parole de l’enfant dans un sens donné. Elle voulait aussi qu’il fût plus délicat de