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Comme tout le monde

Oui, ce passé reste derrière Isabelle comme une traînée sans charme.

Mais aujourd’hui, rien que le fait d’être dans un train, en partance pour un pays qu’elle ne connaît pas, cela, déjà, ressemble un peu plus à cette espèce de merveilleux qu’Isabelle attend depuis si longtemps de la vie. À mesure que la journée s’avance, son cœur se regonfle d’illusion. Elle a comme une envie de jacasser, de battre des mains, et même de se jeter au cou de son mari. Mais, derrière ce journal qu’il lit, on ne peut pas voir sa figure. Alors elle préfère passer sa frénésie sur les joues de sa fille. Elle a posé, comme un objet, le petit lion à côté d’elle.

— Ma Zozo chérie !!

Zozo, mangée de baisers, rit d’abord, puis s’essuie la joue avec sa manche, puis se débat, boudeuse. Isabelle, enfin, la laisse aller. Elle a repris le bébé qu’elle berce un peu plus nerveusement.

« Plus de beaux-parents, pense-t-elle, plus de Nancy ! Être chez moi !… » Et ainsi de suite.

En regard du présent qui s’approche, elle approfondit encore son passé.

C’est l’enfance où l’on vivait de si bon cœur, l’enfance dans la petite commune située sur la côte française, en face de l’Angleterre. La mère d’Isabelle, madame veuve Quetel, appauvrie par