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Comme tout le monde

avec le jeune Élémir, passer une quinzaine au château.

Alors on rencontrait, sur la route Sainte-Marie, le père et le fils à cheval, toujours en deuil de la morte tragique — le bruit courait, dans les salons, qu’elle s’était suicidée.

Ils passaient dans un tourbillon de poussière, le marquis tout blanc, encore droit, avenant, cosmétique, ridé, tout à fait cette sorte de vieillard qu’on appelle « vieux beau ». À côté de lui, Élémir mince et brun, l’air étranger, très joli, très fat, avec de la noce plein ses yeux retroussés à la hongroise, encore qu’il n’eût guère que dix-huit ans.

Les dames de la ville, maintenant, s’occupaient plus du fils que du père ; et les jeunes filles, sans doute, rêvaient à lui sans le dire.

Ces jeunes filles d’à présent, c’étaient les anciennes petites filles, celles qui, douze ans auparavant, trottinaient dans les jupons des mères. Toutes avaient pris les robes longues, portaient chignon, préparaient, mêlées aux petits garçons devenus jeunes gens, une nouvelle génération provinciale toute pareille à la précédente, de même que, sur l’arbre, se succèdent, de saison en saison, des feuilles identiques.

De leur côté, les anciennes jeunes filles, devenues matrones, refaisaient des fillettes et des