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Comme tout le monde

n’avait dit : « Comme elles sont jolies, tes épaules ! » Jamais une bouche fervente et précautionneuse ne les avait effleurées, là où se pose un méplat brillant comme l’orient d’une perle. Léon les avait chaque matin regardées sans les voir, tandis qu’Isabelle faisait sa toilette. Elles ne s’étaient jamais offertes, ces épaules, qu’à des yeux habitués, conjugaux…

Isabelle calcula que douze ans à peu près s’étaient passés depuis son commencement d’aventure avec le marquis de Taranne. Commencement sans continuation, seule page palpitante de sa vie, pauvre petite page vite déchirée avant la fin de l’histoire.

Et, cependant, le souvenir qui lui en restait, c’était pour jamais, au fond de son cœur, quelque chose d’ému, de tremblant, de sacré. C’était, dans sa vie, sa part d’héroïsme et sa part de péché. C’était son suprême sacrifice, c’était toute sa joie et toute sa douleur.

Le marquis ! Plusieurs fois, en ces douze ans, elle avait eu l’occasion de l’apercevoir, mais jamais plus elle ne lui avait parlé.

Maintenant, depuis quatre années que la marquise était morte à Paris, on ne voyait presque plus jamais, dans le pays, apparaître l’intéressant seigneur. À peine si, dans la belle saison, il venait,