Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
Comme tout le monde

sentimentalité cachée, comment ce petit pouvait-il échapper à sa destinée ?

Sur cet être commençant, Isabelle concentre sa pensée. Des heures entières elle demeurerait absorbée dans ses songes, sans ennui, sans tristesse. Qu’y a-t-il de plus parfait pour elle que la vue de son petit enfant ?

Regard des mères, regard si beau qu’on croirait que l’âme va leur sortir des yeux ! Quel amant connaîtra jamais le regard qu’une mère donne à son enfant ?

L’après-midi, lorsque, dans la chambre, Isabelle endort le petit lion, que l’on couche encore dans la journée comme tous les marmots de son âge, vous la voyez, dans l’ombre des rideaux tirés, patiemment assise sur sa chaise. Elle presse sur sa poitrine l’enfant Louis, qui tette, et son pied régulier balance le berceau dans lequel l’enfant Léon sommeille. Alors, elle fredonne la chanson que sa mère à elle lui chantait, petite ritournelle mineure et naïve du temps jadis :

Pierre, mon ami Pierre,
Lon farira dondaine,
Est parti pour la guerre…

« Ce petit air plein de chagrin, chanté pour m’endormir autrefois, je m’en souviens encore ;