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Comme tout le monde

perdu son mari de bonne heure, élevé sa fille à force de travail et de courage, et l’on eût dit qu’après tant d’années elle ne pouvait pardonner à personne, à cause qu’elle avait fait quelque chose de bien dans sa vie. Et puis l’habitude de diriger sa pension pour Anglaises avait encore accentué ses manières autoritaires. Elle trouva beaucoup de choses à critiquer dans la maison de sa fille, dans la façon dont les enfants étaient élevés et dans la distribution des dépenses.

Ayant prêté une partie de l’argent dont on avait acheté l’étude, et bien qu’on lui payât les intérêts chaque année, elle avait, au logis, droit de blâme, et ne se retenait guère d’user de ce droit.

Léon, d’un naturel colère, se guindait de son mieux pour ne pas froisser la dame par quelque réponse trop vive. Il ne se montrait d’ailleurs qu’à table. Mais les repas, pour lui, se passaient en sourires forcés, qui le gênaient fort dans ses habitudes de laisser-aller.

Pour Isabelle, elle était tellement heureuse de revoir sa mère qu’elle ne remarquait même pas le ton de ses critiques. Elle écoutait tout cela gentiment, comme une petite fille un peu grondée mais qui n’en souffre pas. Les yeux levés sur le visage maternel, elle se rappelait son enfance avec délices ; et cette même personne qui, pour Léon,