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Comme tout le monde

— Non… dit-elle en soupirant.

La marquise, en silence, la considéra. Isabelle aussi la contemplait, mais à la dérobée. Qu’elle était belle, cette femme, si brune et si mince dans sa molle robe blanche, avec son luxe autour d’elle étalé ! Comme sa petite main mate secouait impérieusement sur le tapis la cendre de la cigarette ! Isabelle se sentait lourde et commune à côté d’elle. Était-il possible que le marquis pût aimer une autre femme que la sienne ! C’était un cygne, cette femme, parmi la volaille de la sous-préfecture. Elle avait cet air magnifique de celles dont on dit plus tard qu’elles ont eu « un passé orageux ».

Tout à coup, avec son accent amusant, la marquise, au milieu du silence, jeta :

— Mon mari vous a rencontrée quelquefois sur les routes. Il me l’a dit.

Isabelle était devenue pourpre. Les prunelles retroussées de la marquise s’égayèrent.

— Il vous fait la cour, mon mari ?… demanda-t-elle.

Puis, très vite :

— Non. Vous avez des yeux trop honnêtes.

Isabelle suffoquait. Elle tordit ses orteils dans ses bottines, toussa, se mordit la langue.

Mais la marquise, sans avoir l’air de rien remarquer, dit, avec son ton péremptoire, et son regard


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