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Comme tout le monde

geurs subites, ses mains embarrassées, ses regards d’enfant timide. Pourtant, quelle audace quand elle était près du marquis ! C’est qu’une jeune femme qui parle à un homme, quelles que soient les conditions respectives, a dans la vie rang de ministre. Elle traite d’égale à égal, à moins que ce ne soit de supérieure à subordonné. Mais s’il s’agit de parler à une autre femme, les choses changent.

Isabelle ne savait que dire. Elle finit par lever les yeux sur un grand portrait du temps jadis, représentant un seigneur magyar en grand costume, culotte collante, brandebourgs, grand manteau, toque à aigrette.

— C’est mon aïeul, dit la marquise, le comte Szentendrey.

— Szentendrey ?… fit Isabelle comme si elle eût prononcé du chinois.

— C’est mon nom… reprit la marquise avec quelque hauteur. Je m’appelle Szentendrey. Margit Szentendrey…

Là-dessus, la conversation tomba. La marquise remua. Son parfum se répandit délicieusement autour d’elle. Elle alluma une cigarette à bout doré.

— Vous ne fumez pas ?…

Isabelle se rappela sa belle visite au marquis dans le jardin d’hiver.