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Comme tout le monde

lui, quelle angoisse ! Remords vis-à-vis de Léon, remords vis-à-vis du marquis. Isabelle, prise entre deux terreurs, avait choisi celle qui la laissait honnête. Et puis, dans la balance où elle pesait deux hommes, ses enfants venaient faire poids du côté de Léon. Être une femme adultère, c’est déjà monstrueux ; mais être une mère adultère !…

La nuit qu’elle-même décida de son sort, Isabelle comprit que, puisqu’elle avait choisi d’être vertueuse, il fallait qu’elle expiât désormais, avec grande sévérité, les légères incartades qu’elle s’était permises. Elle avait été très loin déjà, il fallait qu’elle s’en punît.

Elle imagina donc de corser encore ses ennuis ménagers, prétexta les dettes, la prévoyance eu l’avenir, et déclara d’abord qu’elle n’aurait plus la cuisinière que deux heures par jour au lieu de cinq. Ensuite, elle délaissa complètement son chant, et, dans les intervalles de temps laissés par ses travaux de servante, elle s’acharna sur des raccommodages et des coutures. Finies aussi les longues courses sur la route Sainte-Marie. Seule, la petite bonne promenait les enfants.

Léon, habitué comme tous les maris à obéir aux changements domestiques imposés par sa femme, ne s’étonnait point. Économe, il était plutôt heureux de voir les dépenses diminuer. Il ne fut


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