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Comme tout le monde

Mais, aujourd’hui, c’est le mensonge actif qui commence. Avoir quitté le salon de madame Chanduis pour courir seule à ce plateau, sachant qu’un amoureux vous y attend ; s’être laissé embrasser, avoir écouté des déclarations, y avoir répondu, tout cela, tout cela, n’est-ce pas cette chose affreuse, ce péché mortel qu’on appelle l’adultère ?

Isabelle, à cette pensée, se sent choir au fond d’un gouffre. De consternation, elle mord sa lèvre. Ah ! comme elle voudrait se débarrasser de tout cela ! Comme elle a besoin d’être honnête, comme elle voudrait pouvoir tout dire à Léon !

Tout dire à Léon ? Mais c’est impossible ! Ce serait une catastrophe dans leur vie. Pourquoi ne peut-elle pas tout dire à Léon ? Est-ce que le mari ne devrait pas être l’ami auquel on avoue tout ? Comment ! tout entre nous est commun, le lit, le pain, l’argent, les intérêts, les malheurs, les joies, et cette promiscuité continuelle ne sert même pas à nous rapprocher ? Alors que nous devrions n’être qu’une seule et même personne, nous sommes pleins de mystères l’un pour l’autre ? Qu’est-ce que c’est que ce compagnon dont j’ai peur ? Le mari, oui, c’est celui qui a le bon droit pour lui ; et le bon droit n’est-il pas, parfois, un épouvantail ? Je ne puis me délivrer de mon associé diurne et nocturne ; et, dès que ma vie devient intéressante, je