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Comme tout le monde

doute, elle aurait dit tant de jolies et tendres choses s’il ne lui avait tout de suite coupé la parole par ses furieux baisers sur la bouche, dans la bouche…


Dès qu’elle eut passé le seuil de sa maison, Isabelle annonça très haut qu’elle avait un mal de tête fou.

— Il faut que je me couche ! dit-elle à la petite bonne Julia, je n’en puis plus.

Et quand elle fut étendue dans son lit, parmi le silence et l’ombre, elle se sentit à l’abri, sauvée du regard de Léon, qu’elle n’eût certainement pas pu ce soir affronter sans que toute son attitude la montrât fautive.

Elle aimait mieux se passer de dîner que d’avoir à supporter le tête à tête avec lui. « Demain, pensait-elle, je pourrai le regarder. J’aurai eu du temps pour me remettre. »

Ceci pensé, l’infernal colloque avec elle-même recommença.

Impossible de songer à retourner désormais au plateau. D’abord, le marquis ne l’y attendra plus. Et puis… Oh ! ces yeux qu’il avait, oh ! ces mains tâtonnantes, oh ! cette voix autoritaire : « Je te veux… Je te veux… »