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Comme tout le monde

s’installa dans son cœur, et cela se traduisit sur sa figure par des changements de couleur encore plus manifestes qu’auparavant.

Elle eut à faire des visites, dut assister à quelques dîners et réceptions qui la supplicièrent.

Parmi les potins des salons, elle se taisait, étrangère. Les gens, en province comme à Paris, se trouvent eux-mêmes si ennuyeux, — quel mot révélateur : « Je m’ennuie ! » — qu’ils ne peuvent se passer des autres, éprouvant le besoin d’en médire à défaut de pouvoir leur faire du mal, ce qui serait sans doute la suprême distraction.

Tandis que d’éternelles histoires se rabâchaient entre les fauteuils rapprochés, Isabelle guettait désespérément quelque chose : elle guettait le mot qui la ferait rougir.

Les timides savent quels invraisemblables prétextes leur mettent le sang aux joues. La plus lointaine allusion suffisait pour empourprer Isabelle dont l’âme, maintenant, n’était plus à l’aise. Les paroles chuchotées par le marquis avaient atteint et troublé son innocence de petite femme loyale et froide.

Aussi découvrait-elle à chaque instant, dans les conversations, de quoi faire subitement, publiquement, chavirer son visage, comme celui d’une criminelle.