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Comme tout le monde

sa suite ordinaire, montrait encore plus d’entrain et de hardiesse que les autres jours. Marchant d’un pas délibéré, elle prit sur elle d’entraîner à quelque distance le seigneur déconcerté.

Au bout de cinq pas, elle parla. Une sorte d’enfantine complicité brillait dans ses yeux. Son sourire, ses paroles, son allure la montraient visiblement en état d’école buissonnière. Le vent malmenait les pans de son paletot ouvert, en même temps qu’il agitait la jaquette du marquis. Pris dans un même souffle, ils pressaient tous deux le pas, instinctivement, et bientôt ils eurent laissé loin derrière eux la bonne, les enfants et la voiture.

Le marquis, peu à peu, s’était rapproché jusqu’à ce que son bras frôlât celui de la petite femme. Alors il ralentit un peu la marche, et, les prunelles étrangement brillantes entre ses paupières clignées, il dit presque bas en se tournant le plus possible vers elle :

— Savez-vous que je suis tous les jours ici à partir de deux heures et demie ? Je vous attends quelquefois jusqu’à la nuit… Comme vous êtes cruelle de ne pas venir tous les jours !

C’était un aveu d’amour. Isabelle en reçut le coup en plein cœur. Ses jambes flageolèrent. Elle eut la sensation qu’elle se mettait à marcher de travers. Une faiblesse grandissante l’envahissait,


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