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Comme tout le monde

Le temps était pluvieux et traversé de vent. Les pieds clapotaient dans la terre humide, et l’air était doux, malgré le mois de janvier, selon l’ordre nouveau des saisons qui, depuis des années, sont devenues tout à fait contre-nature.

Isabelle, le cœur serré, déboucha la première sur le plateau. Bien qu’elle se fût ingéniée, tout le long de la route, à préparer sa déception, elle sentait d’avance ses yeux se gonfler de larmes au pressentiment du plateau déserté. Mais, comme la première fois, le marquis sortit du petit bois de pins et vint à sa rencontre, le chapeau à la main ; et le vent emportait en arrière ses beaux cheveux gris.

Il avait pu d’abord croire qu’Isabelle était seule. Lui ayant baisé la main, il relevait la tête pour dire : « Comme c’est gentil ! » lorsqu’il vit paraître, au haut de la montée, le groupe formé par la bonne, la voiture et Zozo. Ses sourcils se froncèrent, ses lèvres se pincèrent sur le juron qu’il retenait. Mais il sut se remettre en une seconde et sourire.

Ayant embrassé Zozo, il se pencha sur la voiture et fit quelques compliments au sujet du bébé qu’il regardait sans le voir. Ensuite, une certaine gaucherie l’immobilisa sur place.

Isabelle Chardier, elle, justement à cause de la présence de la bonne, des enfants et de la voiture,