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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

que des mouvemens continuellement variables. Pour en sauver les inégalités, Copernic est contraint de donner à chacun de ses cercles des centres différens. Toutes les planètes tournent autour de centres vides. Le Soleil est toujours dans l’intérieur de toutes les orbites, il n’est plus le centre d’aucune ; il n’a d’autre office que de distribuer la lumière ; il devient comme étranger à tous les mouvemens. Pour donner à ses tables moins d’inexactitude, Copernic, qui a supprimé les épicycles de Ptolémée, se voit forcé d’en créer de nouveaux. Il conserve à ses excentriques les inclinaisons et les librations de Ptolémée ; ses calculs des longitudes géocentriques ont toutes les longueurs et les défauts des calculs anciens ; ses latitudes ne sont ni plus commodes à calculer, ni moins fautives. S’il obtient sur Ptolémée quelques avantages importans dans sa théorie lunaire, en ce qui concerne les distances, les diamètres et les parallaxes, toutes ces améliorations sont dues à son adresse, à sa sagacité, et nullement à son système, qui a conservé presque toutes les absurdités et les embarras de l’ancienne théorie. Copernic a fait un pas important, et sans lequel tout progrès ultérieur était impossible ; mais si l’esprit de réforme se fût borné à ce qu’avait osé Copernic, il faut l’avouer, l’Astronomie pratique eût gagné peu de chose au changement de système. Pour aller plus loin, il manquait au fondateur de l’Astronomie moderne une suite considérable d’observations plus précises et plus sûres, il lui manquait le goût et l’aptitude pour les longs calculs. Mais la vie de l’homme est si courte, et ses forces sont si bornées ! Tycho fit ces observations, qui manquaient à Copernic. L’Astronome danois, en mourant, laissa Képler en possession de tout ce qui était nécessaire pour compléter la révolution commencée. Mais il faut dire aussi qu’il fallait que cet héritage tombât en des mains capables de le faire valoir. Longomontanus avait pu lire Copernic aussi bien que Képler, il avait une connaissance aussi entière de ces observations, auxquelles il avait si long-temps coopéré ; il avait tous les mêmes secours, excepté le génie des recherches ; et pour bien sentir ce que la science doit à Képler, il faut comparer l’Astronomie danoise à la Théorie de Mars et aux Tables Rudolphines.

Plutarque nous apprend qu’un philosophe disait que les Grecs auraient dû mettre en jugement, pour cause d’impiété, celui qui avait osé déplacer le sanctuaire de Vesta, en donnant à la Terre un double mouvement dans l’écliptique et autour de son axe. Voilà ce que Copernic redoutait pour lui-même, et ce qui lui fit différer pendant 36 ans la