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LA VIE DE SON ESPRIT

seulement, mais pour l’esprit, mais à l’adresse de toutes nos facultés réceptives, c’est-à-dire faire voir, entendre, sentir, provoquer la description ou la reproduction par gestes, etc. Déjà, dans Bateau ivre, non content de nous communiquer les divers balancements de cette « planche folle », jouet de la mer capricieuse, il nous obligeait à goûter, au moins exprimer par des mouvements de la langue les sensations que cause l’acidité agréable d’un fruit :

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sûres.

À présent nous entendons les corbeaux, d’abord lointains :

Armée étrange aux cris sévères…

(ce qui rappelle le… corvi presso ter gutture), puis sur nos têtes : « …crieur du devoir… funèbre oiseau noir » ; et nous voilà imitant du bras le tournoiement des sombres oiseaux tantôt écartés et tantôt rassemblés dans le vent qui ulule :

Dispersez-vous, ralliez-vous !…