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LA VIE DE SON ESPRIT

inflexions musicales sensibles à l’oreille autant qu’à l’esprit :

Elles assoient l’enfant devant une croisée
Grande ouverte, où l’air bleu baigne un fouillis de fleurs,
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.[1]


Sois donc le crieur du devoir,
Ô notre funèbre oiseau noir !
• • • •
Laissez la fauvette de mai
Pour ceux qu’aux fond du bois enchaîne,
Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir,
La défaite sans avenir.[2]

Je dois m’arrêter encore sur cette œuvre où l’auteur, par une évolution passagère de sentiments qui n’est pas rare chez les poètes, a été pour une fois patriote. Les Corbeaux parlent avec âpreté de revanche aux survivants, la fauvette de mai chante doucement, d’une voix légère qui devient un soupir, la pitié sur les morts. Je voudrais dire surtout que peut-être nulle part Rimbaud n’est arrivé plus près de cette perfection cherchée par les latins : peindre, non pour les yeux

  1. Les Chercheuses de poux.
  2. Les Corbeaux.