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LA VIE DE SON ESPRIT

L’histoire des peintres français nous fournit de cela des exemples qui apportent un enseignement décisif. Je ne crois pas que l’on puisse trouver une école plus en dehors de la beauté antique que l’école de David. Ces gens-là sont tout ce que l’on voudra, sauf des classiques, tandis que Watteau, peignant des scènes de la comédie italienne, des pastorales galantes, construit ces contemporains avec le sens évident de la pure beauté antique, et ce n’est pas du tout dans l'Enlèvement des Sabines[1], dans le Retour du Proscrit[2], c’est dans l'Embarquement pour Cythère que l’on trouve la délicatesse vibrante et radieuse du dessin grec. Parce que Watteau avait empli ses yeux, son esprit, son cœur des visions de beauté dues à la statuaire classique, et dans ses personnages vêtus de satin, essentiellement modernes, il mettait l’élégance nerveuse, douce et robuste d’un art qui avait — à son insu ou non — pénétré en lui, l’avait imprégné pour toujours.

  1. David.
  2. Guérin.