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HISTOIRE SOMMAIRE DE RIMBAUD

mère et sa sœur. Je l’y vois pour la dernière fois. « Maintenant, me dit-il, le climat de l’Europe est trop froid pour mon tempérament… qui s’est modifié… Je ne puis plus vivre que dans les pays chauds[1]. » Déjà il est souvent repris d’accès fiévreux, et enfin c’est la fièvre typhoïde qui se déclare : il doit passer à Roche tout l’hiver de 1879-80. Retourné en Égypte, il n’a pas trouvé d’emploi, va de nouveau à Chypre, est placé comme surveillant de travaux dans une entreprise de constructions pour le gouvernement anglais, non plus cette fois au bord de la mer, mais sur une haute montagne, le Troodos (mai 1880). Il y reste à peine, ne s’entendant pas avec l’ingénieur, quitte

  1. Pendant ma visite à Roche, où il causa beaucoup, me raconta mille choses ayant trait à sa vie de voyageur, nullement à ses goûts anciens, je lui posai soudain la question ; « Mais la littérature ?… » Troublé, surtout étonné, comme par une image de mot qui n’aurait point paru dans son cerveau depuis très longtemps, le poète rougit, un tout petit éclair passa dans ses yeux d’azur, et laconiquement, sur un ton où pointait si peu que rien de nervosité, répondit : « Je ne pense plus à ça. »