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HISTOIRE SOMMAIRE DE RIMBAUD

tout cas, s’il y eut chez Rimbaud une dernière velléité de littérateur, il n’y songeait plus huit jours après, c’est certain, et je ne me souviens pas de lui avoir entendu dire quoi que ce fût sur ces pages dont il s’était dépossédé… débarrassé était plutôt le mot qu’il pensait.

Une fois maître de la langue allemande, il veut savoir l’italien, (a aussi une intention spéciale), vend sa malle, contenant et contenu pour se faire un peu d’argent, peut ainsi parvenir en chemin de fer jusqu’au bout de l’Allemagne, continue à pied, y compris la traversée du Saint-Gothard.

Désormais c’est la vie errante. De 1875 à 1879 il va se livrer éperdument à cette volupté « d’aller loin, loin… » qu’il prévoyait, qu’il chantait dès sa quinzième année[1].

Il est arrivé à Milan, mais sans ressources, épuisé de fatigue. Une dame charitable s’intéresse à lui, l’hospitalise pendant quelques jours. Elle a reconnu, par sa conversation, un lettré, a dû l’interroger sur ce qu’il avait écrit, car son hôte, qui n’a plus aucun ma-

  1. Sensation (mars 1870).