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HISTOIRE SOMMAIRE DE RIMBAUD

Verlaine est revenu à Paris. Ses tentatives de réconciliation avec sa femme ont échoué, la séparation judiciaire, prononcée l’année précédente, reste définitive. Abandonné de presque tous ses amis et devant l’impossibilité de se reconstituer une vie de famille, il veut une forte diversion morale, m’écrit pour me dire sa tristesse et me demander où est Rimbaud, me charge pour lui d’une lettre où il l’informe de sa conversion au catholicisme, le presse de se convertir aussi : « Aimons-nous en Jésus !… ».[1] Rimbaud me répond d’abord par des plaisanteries sur le nouveau chrétien, que pour railler en même

  1. Quelle que soit la faiblesse passagère — nous allons la voir — qui accompagna son entreprise, le désir éprouvé par Verlaine de ramener à Jésus l’ami qu’il considérait comme un pauvre athée, s’exposant à la perdition éternelle, ne peut faire aucun doute et rien n’est plus logique. Il souffrait, cherchait du secours dans la prière : celle-ci évoque des souvenirs de fautes commises ( « Pardonnez-nous nos offenses…, Priez pour nous pauvres pécheurs… » ) : le sentiment d’avoir été coupable autrefois, l’idée de repentir, d’expiation, de réparation, qui chez lui venaient toujours avec ou après la douleur, ne devaient-ils pas lui présenter comme consolation suprême ce mérite qu’il aurait acquis devant Dieu !