Page:Delahaye - Rimbaud, l’artiste et l’être moral, 1923.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
HISTOIRE SOMMAIRE DE RIMBAUD

deux rêves précédés d’un Avertissement où apparaît le souvenir de Jean-Jacques Rousseau. Ces rêves, par une combinaison d’art capricieux et hardi, mêlent de simples fantômes nocturnes — qu’il présente comme ceux-ci ont paru ou qu’il arrange — à des souvenirs de réalités arrangées aussi plus ou moins, le tout pour obtenir des effets dramatiques et des effets de couleur. Ainsi le séminariste du second poème n’est pas inventé[1] : c’était un condisciple — les élèves du séminaire suivant nos cours du collège — et un bibliophile qui lui prêtait des livres. À

  1. J’ai cru inutile de nommer le jeune homme qui lui prêtait ces livres, Il ne s’agit pas de Jules Mary, qu’attendait un avenir littéraire si brillant, et qui fut lui aussi un compagnon d’étude, un excellent ami de Rimbaud.

    Rimbaud ne cherche guère à « inventer ». Partisan catégorique de l’observation, il se sert plutôt de choses réelles et qu’il a connues, mais souvent les déplace de l’ensemble éprouvé, les scinde en parties utilisables dans un sens nouveau, rapproche et réunit des détails qui étaient très éloignés en fait, dépouille tel sujet de son attribut pour le donner à un autre, etc. C’est en partant de là que nous pourrons comprendre l’emploi de ces mots : « livres cachés qui avaient trempé dans l’océan ».