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HISTOIRE SOMMAIRE DE RIMBAUD

troupes casernées à Babylone ne comptent guère dans l’armée communaliste. Il passe le temps à des promenades et des causeries avec son ami du 88e, qui est comme lui un lettré, un rêveur croyant à l’émancipation du monde par « l’insurrection sainte ». Vers la fin de mai, Rimbaud peut s’échapper de Paris. Sa jeunesse, ses vêtements civils détournent les soupçons de la gendarmerie, et il revient à pied par Villers-Cotterets, Soissons, Reims, Rethel, rapportant une fantaisie assez singulière, sans doute crayonnée à la caserne et qui paraît s’inspirer de Banville, dont il fut longtemps si fanatique : le Chant de guerre parisien.[1]

  1. Ici se place un épisode romanesque, le seul probablement dans sa vie et qui restera mystérieux. Rimbaud parlait volontiers gaiement, abondamment de tout, mais rarement de sa vie sentimentale. Parfois cependant, au milieu d’accès de trop forte mélancolie, des besoins d’expansion lui venaient tout à coup. Un jour, en 1872, comme je m’étonnais de son air soucieux, il me dit être tourmenté : un souvenir, une inquiétude… Cela remontait à l’année précédente… II avait à Charleville une maîtresse, une jeune fille à peu près de son âge. Lorsqu’il lui dit son intention de s’enrôler dans l’armée communaliste, elle voulait l’accompagner.