Page:Delahaye - Rimbaud, l’artiste et l’être moral, 1923.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
HISTOIRE SOMMAIRE DE RIMBAUD

lettres ou un artiste suffirait, lui semblait-il, pour obtenir à l’instant l’aide fraternelle. Où sont les artistes, où sont les hommes de lettres, par ce temps de guerre qui vient à peine de finir ? Il ne trouve qu’André Gill. Le caricaturiste explique à Rimbaud que c’est encore trop tôt pour faire de la littérature à Paris, la question du ravitaillement, la question du « manger » est la seule qui soit de nature à passionner le public, la seule qui pour longtemps au moins l’intéressera. Il lui donne dix francs. Cela épuisé, l’aventurier tenace erre dans les rues plusieurs jours, couche dans les bateaux à charbon, se nourrit des débris de nourriture que l’on dépose le matin devant les portes, enfin revient pédestrement à Charleville. Qu’il va scandaliser en promenant par ses rues formalistes une chevelure romantique ayant poussé jusqu’à lui descendre au milieu du dos[1], qu’il va

  1. Un jour un loustic lui présenta quatre sous, en lui conseillant d’aller chez le coiffeur ; il les prit, dit « merci bien !… » et porta les beaux décimes au bureau de tabac. En 1871, pour cette menue somme, on pouvait acquérir vingt-cinq grammes de scaferlati.