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LA VIE DE SON ESPRIT

Cette fois il est parvenu au bord même de la conversion. L’on dirait qu’il va se précipiter, n’a plus aucune raison pour ne pas le faire. Eh bien, non ! Il s’arrête sur un cri de peine, un sanglot irrité.

Comment expliquer cette protestation, tout à coup et si douloureuse ? Il avait presque dit : Je me soumets, je me renie, je me renonce… Mais n’oublions pas une préoccupation qui le domine — et dont j’ai parlé : — rester un. S’il redevenait croyant, ce serait en lui quelque chose comme cette dissolution qu’il défia même Satan de produire, ou plutôt ce serait couper Rimbaud en trois, supprimer l’homme de révolte, jeter un tronçon de Rimbaud pour rattacher le premier au troisième. Alors le sentiment est plus fort que l’impulsion donnée par la logique : Faut-il en être venu à cette mort… tout en vivant !… Savoir que c’était nécessaire, que c’est bien !… Oh ! fin trop cruelle : « Déchirante infortune !… »

Quand Saul, interpellé par Dieu, fut jeté rudement sur la route de Damas, il accepta, en se relevant, le changement moral installé