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LA VIE DE SON ESPRIT

Une secousse terrible, une chute, un écroulement…

« Sur mon lit d’hôpital l’odeur de l’encens m’est revenue si puissante !… » Eh ! sans doute ! Le coup de folie de Verlaine, le terrible scandale, et tout projet quelconque ramené, comme par une bourrasque, en arrière du point de départ : donc retour forcé à l’enfance ; et puis la douleur physique, le déchirement des nerfs (une balle dans le poignet), l’immobilité imposée à tous les muscles ont changé la façon générale de vivre, il y a eu alors humiliation du corps abattu, revanche de l’esprit seul intact, et vie double de celui-ci, vie plus libre et, si l’on peut dire, plus vraiment, plus fortement spirituelle. « Odeur puissante de l’encens !… » Contrairement à ce qui a lieu d’ordinaire, c’est une sensation venue du dedans et non de l’extérieur, c’est l’esprit envoyant aux organes ce que ceux-ci, d’habitude, lui envoient à élaborer ; on dirait scientifiquement une « hallucination de l’odorat », mais, pour l’hallucination, qu’il faut une imagination suractive !… L’odeur de l’encens qui re-