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LA VIE DE SON ESPRIT

cient, puis tout à coup se fait reconnaître, — ce qui le porte à signaler cet « orgueil plus bienveillant que les charités perdues » comme simple faux pas de l’esprit[1] (Nuit de l’Enfer) — ce qui au poète contempteur violent, autrefois, des ferveurs de l’oraison suggère aujourd’hui ce désir mélancolique : « Si Dieu m’accordait le calme céleste, aérien de la prière !… » — ce qui donne pour réplique au vers fou de 1871 : « Christ, ô Christ, éternel voleur des énergies ! » la phrase implorante : « Pourquoi Christ ne m’aide-t-il pas en donnant à mon âme noblesse et liberté[2] » ?

  1. Disposition maladive de l’esprit serait peut-être plus exact, et c’est, je crois bien, ce qu’il a voulu dire. Contre cette malformation, plus accentuée chez les malheureux atteints d’aliénation mentale, mais qui existe à quelque degré chez tous les hommes (boutade célèbre d’un théologien : « L’orgueil meurt un quart d’heure après nous » ), les raisonnements n’ont que peu d’effet, seul est efficace le sentiment religieux, et Rimbaud, dont la caractéristique morale la plus évidente, manifestée cent fois, fut malgré tout une haine obstinée de l’orgueil, dut avoir de cela une conviction instinctive, puisque nous le voyons hanté par l’idée de cette vertu chrétienne, la charité.
  2. J’ai souligné les derniers mots, d’une observation si belle et si profonde. Plus loin on trouva cette