Page:Delahaye - Rimbaud, l’artiste et l’être moral, 1923.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
LA VIE DE SON ESPRIT

dans les rangs, ne manquaient pas de le saluer au passage[1].

Ces délicatesses fougueuses il les rejeta quand il fut attiré vers d’autres cultes. Ingratitude, pourrions-nous dire, de la part d’un poète. C’est le sentiment chrétien qui donne les premières inclinations idéalistes, c’est la formation religieuse qui préserve le mieux les jeunes âmes des brutalités salissantes de la vie triviale ; car la grossièreté, la surdité, la cécité de l’esprit, cela vient en somme des péchés, et c’était bien le catéchisme, qui, lui dénonçant le péché comme une laideur, lui avait le plus sûrement, dès ses premières années de vie consciente, donné le sens et l’amour du Beau. Il est vrai que l’influence des philosophies payennes fut assez courte : il avait trop besoin de mouvement et de vie pour s’y attarder ; d’autre part, le grand séducteur Rousseau est tout imprégné

  1. Cet incident, qui me fut conté par Rimbaud vers la fin de 1870, montre que le poète « de sept ans », qui « n’aimait pas Dieu », avait bien changé par la suite, ou que peut-être il y a confusion voulue entre lui et le poète de quinze ans, devenu un « grand » à son tour.