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LA VIE DE SON ESPRIT

Mais pourquoi cette haine inquiète ? Pourquoi cette rage convulsive à propos de la prière, dans son poème des Premières Communions ? Pourquoi, s’il rencontre un abbé dans la rue, s’exclame-t-il sur un ton sarcastique : « Un prêtre[1] !… » Pourquoi, dans les conversations avec des camarades, usant moins de raisonnements que de moqueries — parce qu’il sait que tout argument valable fait défaut — cherche-t-il à semer autour de lui l’incrédulité ?

C’est qu’il a voulu arracher de son âme quelque chose qui se déchire, lui fait mal et pourtant ne s’en va pas. C’est que, par exemple, la vue de cette robe noire ne l’égaie aucunement, bien qu’il rie ; elle l’agace — pour employer le mot qui désigne la colère mal consciente de ses causes ; — elle agit en rappel de souvenirs, fait jaillir l’autrefois, l’enfance chrétienne… Car le « jeune prodige »,

  1. D’habitude, les interpellés passaient dédaigneux de la provocation. Un jour pourtant l’un d’eux s’arrêta, vint près du jeune homme, lui demanda ce qu’il voulait… Rimbaud sourit amèrement, haussa les épaules, continua son chemin (1871).