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LA VIE DE SON ESPRIT

interpréta un jour avec une exactitude si jolie :

De votre ardeur seule.
Braises de satin,
Le devoir s’exhale…

Mais ce matérialisme fataliste est maintenant vaincu. L’âme veut retenir ces trois éléments : conceptions du passé, du présent, de l’avenir. Stirner[1] avait aussi nié — c’était naturel — hier et demain. Rimbaud les affirme avec ténacité. Tout le long du poème il s’obstine à se souvenir, veut même se chercher dans les atavismes les plus lointains, parvient du moins à charmer sa douleur par le rappel d’une « jeunesse aimable, héroïque », par la révision de ses rêves, de ses aspirations, de son histoire mentale depuis trois ans.

  1. Alors peu lu en France ; Rimbaud ne devait pas le connaître, puisqu’il n’apprit l’allemand que deux ans après, et les vers que je cite repré enteraient une simple rencontre… à moins qu’il n’ait entendu parler de Stirner par Charles Cros, ou encore les savants professeurs qu’il fréquentait à Charleville.