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LA VIE DE SON ESPRIT

ou séparatives, s’il écarte ces moyens de grammaire qui nous aideraient à suivre et à comprendre, c’est que ses pensées jaillissent ainsi, tantôt se complétant et liées l’une à l’autre, tantôt brusques, hachées, opposées, avec des départs soudains, puis des retours qui s’acharnent.

Hugo décrivit ce qu’il appelle « une tempête sous un crâne », Rimbaud met dans ce crâne une masse ignée, tumultueuse, horrible : un enfer. « Celui dont le Fils de l’homme ouvrit les portes », ajoute-t-il, révélant une espérance qui lui est suggérée presque à son insu, et que nous verrons, à la fin de sa vie, réalisée.

Nous assistons au supplice, nous voyons le « moi » de Rimbaud dans les flammes : ses pensées contradictoires ; elles le terrassent, le torturent, le brûlent sans le détruire, s’unissent, quoique se combattant, pour l’envelopper de tourbillons furieux qui parfois le cachent, semblent avoir dévoré leur victime, puis la font reparaître vivante, hurlante : « le feu qui se relève avec son damné ».