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LA VIE DE SON ESPRIT

poète. Il est certain que la décision suprême fut avancée, précipitée, rendue violente par des causes occasionnelles, — affaire de Belgique, défection d’amis[1], dégoût pour les lettrés venant aider au dégoût pour les lettres — mais elle s’annonçait depuis longtemps, mais elle était fatale… ne pouvait non plus s’exécuter sans déchirements intimes.

La subjection de Rimbaud aux lois de Nature, son humanité se révèlent, éclatent superbement dans le chef-d’œuvre qui raconte le drame : Une Saison en Enfer.

Ce poème en prose est assez difficile à lire pour les non initiés. Pourtant l’auteur ne l’a pas fait mystérieux à dessein. Rien de plus franchement ingénu. S’il néglige souvent — pas toujours — les expressions conjonctives

  1. Il fut affligé surtout — lors de la campagne de calomnies faites contre lui — d’être abandonné par deux poètes qu’il aimait particulièrement, que leur délicatesse, peut-être, fit nerveux et timorés, et qui eurent de la mauvaise humeur à l’égard d’un camarade devenu… « décidément ennuyeux ». L’affinement de l’esprit amène parfois ces duretés. Personne de si terrible qu’un poète ou un artiste, quand il leur prend fantaisie d’être « bourgeois » une fois par hasard.