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LA VIE DE SON ESPRIT

ritées, et c’est pour cela, sans doute, que nous nous indignons à propos du grand homme qui meurt pauvre et obscur. Nous incriminons alors la « Société » ; elle ne s’en émeut que très peu, je suppose à cause d’une voix lui disant sourdement qu’en réalité il n’y a pas de victime ; et si l’on y réfléchit, si l’on pense à l’intensité de vie donnée par la Providence aux génies méconnus, on trouve que la société a quelque droit de ne pas les plaindre.

Ici l’événement est particulier. C’est le méritant qui refuse, le poète fait pour la gloire qui délibérément tourne le dos à la tentation d’être mémorable. Nous ne pouvons y consentir : il a tenu trop de place.

Voyons la simplicité haute et claire de sa vie : cela ne le diminue pas le moins du monde. Il est autre chose qu’un talent, il est une conscience, — je prends ce mot à la fois dans le sens que lui attribuent les moralistes et dans celui qu’y attachent les psychologues, — une conscience prodigieusement et douloureusement vive, révélée à elle-même, fécondée à l’origine par des prêtres catho-