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LA VIE DE SON ESPRIT

un cri de colère. Il continue de vivre malgré les ébranlements dus au système de culture psychique appliqué à outrance. Les vers que je viens de citer — d’une si géniale hardiesse de rythme — sont parmi les derniers du poète encore traditionnel. Cependant la poésie chez Rimbaud ne meurt pas d’un coup. Il demande alors, comme Verlaine et pour des raisons analogues,

De la douceur, de la douceur, de la douceur !

et persiste à chanter, l’on dirait par sanglots apaisés peu à peu qui se prolongent en fredons mélancoliques. Il y a quelque chose de cela dans l’air du Requiem : Et lux perpétua luceat eis (voir Fêtes de la faim, Soifs, Patience, Chanson de la plus haute tour[1]…)

Inutile d’y chercher un système : la rime, le rythme n’y sont volontairement ni supprimés ni travaillés ; mais Rimbaud est l’auteur de Bateau ivre, qui peut le plus peut le moins, rien d’étonnant à ce que ce moins soit ado-

  1. Voir aussi le passage qui concerne les dernières poésies de Rimbaud dans son Histoire sommaire.