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LA VIE DE SON ESPRIT

s’abîmer, disparaître tout ce que l’on voit, ce que l’on touche, et presque l’univers entier, ainsi que l’enfant qui s’énerve brise et foule aux pieds les joujoux qui lui donnèrent trop de joie : « Le moment de l’étuve, des mers enlevées, des embrasements souterrains, de la planète emportée, des exterminations conséquentes… » Il s’efforce de prévoir froidement ce cataclysme « qu’il sera donné à l’être sérieux de surveiller » ; mais d’autres associations d’idées se forment, se heurtent : il a parlé de « fraternité sociale », les rancunes du sociologue déçu se rallument, font explosion au contact de la pensée qu’il vient d’avoir d’une destruction énorme :

Qu’est-ce pour nous, mon cœur, que les nappes de sang
Et de braise, et mille meurtres et les longs cris
De rage, sanglots de tout enfer renversant
Tout ordre, et l’aquilon encor sur les débris ?

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Europe, Asie, Amérique, disparaissez

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Les volcans sauteront et l’Océan frappé

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Ce n’est rien : j’y suis, j’y suis toujours.


Sans doute, on ne se dissout pas ainsi pour