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LA VIE DE SON ESPRIT

et borne l’examen de ses opérations. Il insistera souvent sur cette crainte du sommeil de l’esprit : voir, par exemple, Vingt ans : « … Tu en es à la tentation d’Antoine… l’ébat du zèle écourté… l’affaissement et l’effroi… Mais tu te mettras à ce travail… »

Il ne reculera pas devant l’excès amenant le dégoût ; certaines sensations, se prolongeant, peuvent devenir écœurantes : eh bien ! prévoir l’écœurement, l’accepter, le vouloir, pour aller jusqu’au bout de la connaissance, puis rebondir et continuer : « les routes bordées de grilles contenant à peine leurs bosquets et les atroces fleurs qu’on appellerait cœurs et sœurs, damas damnant de langueur — possessions de féeriques aristocraties ultra-rhénanes, japonaises, guaranies, propres encore à recevoir la musique des anciens… »

Il acceptera le malaise, même la souffrance (terreur, angoisse, idée de mort ou de destruction) comme un coup de fouet salutaire ; et célébrant, lui athée, cette théorie bien chrétienne de la douleur féconde, il regrettera qu’une telle excitation parfois lui manque (voir la merveille intitulée : Après le déluge.)