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LA VIE DE SON ESPRIT

tion artistique et morale de Rimbaud ne le permet pas ; je puis dire cependant que l’on trouvera fort peu de ces « poèmes en prose » — nom qu’il leur donna d’abord — où se présente — et j’y insiste — une sensation unique. Presque toujours c’est une suite, une accumulation de flots sensoriels se précipitant ; et ce torrent conduit, rassemblé, quoique furieux, par une logique sûre, impérative, s’appuyant sur de vastes acquisitions historiques, douée d’un regard si large et si prompt qu’on ne la suit pas sans vertige.

Parfois abondant, tumultueux, écumeux, débordant (voir Villes, Métropolitain, Promontoire), le courant tout à coup se resserre, coule à toute vitesse : le lecteur voit alors la totalité de l’expérience et des sensibilités humaines passer en quelques lignes (voir, dans Veillées, la pièce qui se termine par : « Et le rêve fraîchit » ).

Et à chaque instant se rencontrent des phrases comme « Rêve intense et rapide… Être de tous les caractères parmi toutes les apparences… De toutes façons, partout… » Il sait bien que l’esprit dort quand il limite