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LA VIE DE SON ESPRIT

d’après Helvétius et d’après Rimbaud, ne se distingue pas de la vie des sens, c’est celle-ci qu’il faut surexciter, exalter, regarder, conduire. Le matérialisme d’Helvétius a donc produit ce résultat inattendu : un moine athée, mystique et visionnaire. Car assez souvent il y a de la vision, ou plutôt des hallucinations de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, même du tact — hallucinations cherchées et obtenues — en l’œuvre de Rimbaud qui commence à Voyelles. Dans ce sonnet fameux les obligations de la forme poétique lui imposaient l’amplification ; il lui faut quelque chose de plus rigoureux ; en attendant certains retours dont je parlerai, il veut se libérer des rythmes et des rimes : il arrive à la simple notation en prose.

Mais quoi qu’il veuille et quoi qu’il tente, il reste le littérateur en même temps que le philosophe qu’a fait son éducation classique.

D’abord son style est cette « prose de diamant » qu’admire Verlaine, puis on y trouve sans cesse des rapprochements et des comparaisons comme chez Homère et Virgile, enfin, malgré son parti pris d’examen profond,