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LA VIE DE SON ESPRIT

la grande majorité des autres se compose d’aimables gens parfois un peu féroces par étourderie ou névrose, épris de plaisirs légers, de satisfactions d’amour-propre assez banales, ayant des préoccupations comme féminines, demandant seulement à l’œuvre d’art de provoquer chez les oisifs cette exclamation : « Ah ! que c’est joli !… » et lui ne vit que pour la pensée intensive, il ne peut avoir besoin de luxe, même de confort, même de la moindre frivolité ; par conséquent il est fermé à toute ambition commune.

Là est l’abîme qui le sépare de leurs habitudes d’esprit. Pour eux l’art est un métier ou une distraction noble, une façon d’être plus ou moins accessoire, subordonnée à leurs désirs mondains qui sont pareils à ceux d’un bourgeois quelconque. Lui s’est fait l’intellectuel pur, absolu, n’a pas d’autres appétits, n’existe pour ainsi dire pas en dehors.

Quant à l’idéal sociologique du jeune penseur, ce qu’il en reste est bafoué, piétiné ; on lui crie : « Ne parlez pas d’un genre d’opi-