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LA VIE DE SON ESPRIT

il se rallie provisoirement à la théorie contenue dans les conclusions de L’Homme : « Si je suis sensible, c’est que j’ai une âme, un principe de vie et de sentiment auquel on peut toujours donner le nom qu’on veut ».

Cependant Helvétius l’a-t-il délivré de Rousseau ? il l’en a simplement distrait, en faisant obliquer son esprit vers un genre d’études qui convient à son tempérament si épris de sensations. Rimbaud ne pouvait que remarquer les dissidences qui existent fatalement entre les deux révolutionnaires. La réfutation de Rousseau par Helvétius devait lui paraître faible, quoiqu’elle adoucit, pour un instant, les angoisses de son idéalisme. En tout cas, tourmenté par l’un, séduit ou, si l’on veut, « débauché » par l’autre, il voulut, avant de se décider pour la sensation pure, avant d’aller aux exclusives recherches du « moi », donner à l’idée, c’est-à-dire à la politique et à la sociologie, une satisfaction qu’il jugeait leur devoir. Et il écrivit son projet de constitution où il fondait ensemble les conceptions de Rousseau, Helvétius, Mably, Morelly, en les laissant dominer par les